
Ce que le ciel savait déjà
Le ciel savait que je naîtrais Bois Yin (乙木), fine, sensible, à la recherche d’un appui pour pousser. Mais autour de moi, il n’y avait pas d’Eau nourricière, ni de Bois protecteur. Juste la Terre sèche, le Métal tranchant, le Feu imposant. Alors j’ai appris à m’adapter, à me plier, à rester « gentille ».
Mon père, Bois Yang (甲), traversait entre 1983 et 1986 une période de tension intérieure. Le Bois Yin du cycle (乙卯) l’étouffait plus qu’il ne le nourrissait. Il fallait qu’il bouge. Sans ça, il s’effondrait. Le changement de poste n’était pas une ambition, c’était une nécessité.
Ma mère, Eau Yang (壬), tenue entre ses devoirs et ses silences, trouvait dans la nature un souffle vital. Le Bois du cycle la reconnectait à elle-même : marcher, cueillir, sortir… c’était son échappatoire.
Et ma sœur, Métal Yin (辛), si fine et vive, était fragilisée par ce même Bois.
Pas de conflit frontal. Mais un affaiblissement discret mais constant.
Le Bois Yin vient tirer sur le Métal Yin, le solliciter sans cesse, sans lui laisser le repos ni la structure dont il a besoin.
Elle se rebelle, s’épuise, s’oppose. Et nos parents réagissent comme ils peuvent : silence et autorité.
Et moi, au milieu, je m’efface.
Quand je vois Dalida tomber et que les autres riaient alors que je pleurais, ce n’était pas une raction naïve. C’était la réponse naturelle d’un Bois Yin entouré de Feu Yin, de Métal et de Terre sèche.
- Le Feu Yin rend mon coeur réactif, connecté à la honte, à la douleur subtile.
- Le Métal dans mon heure pousse au contrôle émotionnel autour de moi-mais mon coeur ressent tout.
- L’absence d’Eau signifie que je ne pouvais pas évacuer les émotions, je les absorbais.
Je regarde la montagne, fascinée mais oppressée. La montagne, c’est la Terre que mon Bois Yin cherche instinctivement : un socle, une base, un appui. Mais cette Terre, trop sèche, trop haute, m’écrase au lieu de me porter.
Elle est mon rêve d’ancrage, mais aussi ce qui m’étouffe.
Et cette croix dressée, immobile, figée, rigide comme du Métal Yang vient me rappeler ce que mon thème a toujours exigé de moi:
- tiens-toi droite
- ne dérange pas
- ne plie pas-ou plie en silence
Quand l’émotion n’a pas sa place, le silence devient une stratégie. Quand la tendresse manque, la sagesse devient une armure.
Mais le ciel savait aussi que ce calme n’était qu’une surface.
Que tout ce que je n’ai pas pu dire, mon Bois Yin l’a gardé en silence.
Mais un jour, ce même Bois, pressé par le Métal, asphyxié par la Terre, le nommera à haute voix. Et il l’explosera en mots, comme une liane qui, après s’être tue trop longtemps, transperce la roche.
Et que sous les racines pliées, un tronc intérieur allait pousser.